SAINT-LAURENT-DE-CERDANS
St Laurent autrefois, voir dossier
SAINT-LAURENT-DE-CERDANS : 1036 habitants (2020). (VALLESPIR)
Wilfred le Velu est Comte d’Urgell et Cerdagne de 870 à 897, de Barcelone et Gérone de 878 à 897, d’Ausona de 886 à 897 et de Conflent en 896 et 897.Le Comté devient alors un territoire de droit héréditaire, Wilfred est donc à l’origine de la dynastie existante jusqu’en 1410 des Comtes de Barcelone et Rois d’Aragon. Son fils Miron II de Cerdagne hérite des Comtés de Cerdagne et Conflent de 897 à 927 puis son petit-fils Oliba Cabreta de 968 à 988. En 936, Ava de Cerdagne, l’épouse de Miron II et son fils Oliba Cabreta font l’acquisition de la paroisse de Sainte-Marie de Coustouges. En 988 Oliba se démet de ses titres pour se retirer à l’Abbaye du Mont-Cassin en cédant Coustouges à l’abbaye d’Arles. Cette session est confirmée en 1011 par une bulle papale de Serge IV.
Ce n’est qu’en 1011 qu’une « ecclésia Sancti Laurentii » est citée, et en 1168 le « Manso de Cerdanis » (Mas des Cerdans) doté d’une église dédiée à Saint-Laurent, comme faisant partie de la paroisse de Sainte-Marie de Coustouges, elle-même dépendant de l’abbaye d’Arles. Cette église, tombée en ruine, est reconstruite au XIXème siècle. Saint-Laurent de Cerdan est cité en 1358 sous la forme « Sent Lorenç de Cerdans » puis en 1359 sous la forme « Sent Laurench dels Cerdans ».
L’Historien grec Strabon (60 av. J.-C à 20 apr. J.-C.) et l’Encyclopédiste romain Pline l’Ancien (23 à 79 apr. J.-C.) s’accordent pour appeler « Cerdans » les populations ancestrales de Cerdagne et Capcir. La forme « Ceretes » vient probablement de « Kers », soit pierres, montagnes, rochers. Par extension « Ker » est devenu « Kerretanoi », « Ceretania », « Cerdagne ». Le peuple ibère « Cérétani » est probablement à l’origine des noms de Cerdagne, Céret et (Saint-Laurent de) Cerdan. On peut supposer qu’une activité économique, l’exploitation des forêts à l’initiative de l’abbaye d’Arles ou (et) le métier de charbonnier, ait suscité la venue de travailleurs cerdans.
C’est seulement au XVIIème siècle que Saint-Laurent devient une paroisse à part entière, dont la Seigneurie dépend de l’Abbaye d’Arles jusqu’à la fin de l’Ancien Régime. Partie actuelle du village se nomme « El Castell » laissant supposer l’existence à cette époque d’un château.
Signé le 7 novembre 1659 le Traité des Pyrénées entérine l’annexion du Roussillon, du Vallespir, du Conflent, du Capcir et de 33 villages de Cerdagne. La Monarchie française finalise ses ambitions vieilles de plusieurs siècles de rétablir la frontière pyrénéennes aux limites de la Gaule, et la Monarchie espagnole mène à bien sa volonté d’affaiblissement de la Catalogne après le soulèvement des « Segadors » (Faucheurs) de 1640 à 1659. Mais l’économie frontalière s’effondre. Dès 1660 les Laurentins refusent de payer l’impôt français sur le sel dit « la Gabelle » et continuent leur approvisionnement en Espagne, d’une manière clandestine cependant. Le 04 août 1663, un contrebandier du nom de Jean Vigo est arrêté au motif de contrebande. Les « gabelous » du Roi de France sont assassinés et le Vallespir se révolte. Les troupes françaises écrasent la rébellion en avril 1670. Saint-Laurent-de-Cerdan s’est vidé de sa population en fuite en Espagne.
Le 7 mars 1793 la Convention Nationale déclare la guerre au Roi d’Espagne, favorable aux Bourbons. Favorisées par la coalition européenne contre la France, les troupes espagnoles du Général Ricardos franchissent la frontière à Saint-Laurent de Cerdan le 17 avril avec l’aide d’émigrés et de partie de la population, puis s’emparent de Prats-de-Mollo, Fort-les-Bains, Bellegarde, Argelès, Thuir et Trouillas. Le jeune Sous-lieutenant Jean Lannes et futur Général et Maréchal d’Empire, refoule les belligérants au-delà de Coustouges. Les espagnols seront définitivement repoussés du Roussillon en septembre 1794 par le général Dugommier.
Sous la Restauration (1814 à 1830) et la Monarchie de Juillet (1830 à 1848) le village se développe par le travail du minerai de fer qui est acheminé à dos de mulet depuis le Canigou vers plusieurs forges catalanes. Plusieurs lieux de la commune évoquent les forges, dont les « Fargas d’Avall », « del Mig », « d’en Bosc » et « de Dalt ». La tonnellerie est à l’origine de la plantation de châtaigniers pour la fabrication des douelles mais également de piquets pour la vigne. L’industrie florissante du textile et la fabrication de sandales puis d’espadrilles se développent, employant jusqu’à mille ouvriers qui produisent quotidiennement jusqu’à 10 000 espadrilles. De 1913 à 1937 la ligne de chemin de fer relie Arles-sur-Tech à Prats-de-Mollo avec un embranchement jusqu’à Saint-Laurent qui compte en 1930 quinze usines de fabrication d’espadrilles.
Lors de la « Retirada » de 1939, l’exode des espagnols fuyant leur pays à la fin de la guerre civile qui arrivent à Saint-Laurent-de-Cerdan est de l’ordre de 70 000 réfugiés, momentanément entassés dans trois camps improvisés par les Autorités françaises. La chapelle Notre-Dame-de-la-Sort construite à la fin du XVIIème siècle et restaurée au XVIIIème siècle, est utilisée comme infirmerie.
Lors des terribles précipitations départementales de 1940 popularisées par l’appellation « L’Aiguat », Saint-Laurent a le triste record français de pluie en 24 h selon le relevé effectué par l’instituteur Guillaume Julia, qui fait apparaitre 1000 mm pendant la seule journée du 17 octobre, soit l’équivalent de 1,00 mètre.
L’exode rural, l’industrialisation mondiale et la situation géographique du village, contribuent à la disparition de la plupart des entreprises dans les années 1970 et au dépeuplement de la commune. Cependant, le Golfe de Falgos est un exemple réussi de reconversion au tourisme. L’entreprise « Création Catalane » qui est née en 2008 est la seule entreprise locale de fabrications d’espadrilles. Les tissus proviennent essentiellement de son voisin « Les Toiles du Soleil » dont l’Usine initiale « Sans et Garcerie » existe depuis 1897 avant d’être reprise sous sa forme actuelle. En 2009 « Les Toiles du Soleil » obtiennent le label « Entreprise du Patrimoine Vivant ».
La population est élevée entre 1906 et 1911 avec 3023 habitants. Elle se situe entre 2064 habitants en 1962 et 2816 en 1901 pour la période globale allant de 1831 à 1962. Antérieurement à 1821 et postérieurement à 1962, elle est au plus haut en 1968 avec 1992 habitants, et au plus bas en 2020 avec 1036. Les deux guerres mondiales contribuent à la chute de la population lors des recensements de 1921 avec 2599 habitants pour 3022 en 1911 et de 1946 avec 2275 habitants pour 2530 en 1936.
Les lieux sont reconnus pour la qualité du patrimoine naturel, dont un site répertorié par Natura 2000, qui est un regroupement par l’Union Européenne de ses sites naturels ou semi-naturels ayant une grande valeur patrimoniale du fait de la faune et de la flore que l’on y trouve. Est également recensée une Zone Naturelle d’Intérêt Ecologique, Faunistique et Floristique (Z.N.I.E.F.F.) qui sont des secteurs inventoriés dans la cadre de l’aménagement du territoire national en qualité d’espace naturel remarquable à protéger.
Parmi les personnalités originaires de la localité, Laurent Garcias, né le 04 septembre 1779, siège dans la Majorité en qualité de Député pendant la Monarchie bourbon-orléaniste de 1830 à 1848 sous Louis-Philippe. Jean Forné, né le 13 février 1839, exerce en qualité de médecin à Amélie-les-Bains dont il devient Maire de 1870 à 1874 et de 1876 à 1886. Il est Conseiller Général du canton d’Arles-sur-Tech de 1971 à 1874 et Député Républicain Radical et Radical-socialiste de 1878 à 1885. Guillaume Julia, né le 02 novembre 1900 est successivement socialiste, radical-socialiste, pétainiste et communiste. Instituteur, il est Maire de Saint-Laurent de 1947 à 1971 et Conseiller Général du canton de Prats-de-Mollo de 1949 à 1955 et de 1959 à 1973. Dans le film « Le Bossu » tourné pour partie en Vallespir en 1959, il figure dans le rôle d’un berger,
Parmi les nombreux livres dont l’action se déroule en Roussillon, Hélène Legrais a rendu hommage au village dans « Ceux du Château, ceux du Moulin ».
Bernard Estebe
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