Nous ne disons pas, à l’instar de tous ces livres sacrés, de tous ces gourous, qu’on doit être sans désir, ou qu’on doit réprimer le désir.
Au contraire, nous allons explorer ensemble cette question du désir.
Si vous étouffez le désir, alors vous vous détruisez, vous vous paralysez, vous devenez insensible, terne, stupide – c’est ce qu’ont fait tous les adeptes des religions.
Toute beauté, toute sensibilité leur est interdite, car ils ont refoulé le désir.
Alors que si vous commencez à comprendre toute la subtilité du désir, la nature du désir, jamais vous ne le brimerez, jamais vous ne refoulerez rien – mais je reviendrai plus tard sur ce point.
Qu’est-ce au juste que le désir ?
Le désir naît à la vue d’une belle femme, d’une belle voiture, d’un homme élégamment vêtu, ou d’une belle maison.
Il y a la perception, la sensation qui passe par le contact, puis le désir.
Je vous vois vêtu d’un beau manteau : il y a la perception, l’acte de voir ; puis l’attirance – pour la coupe de ce manteau – et la sensation ; et, enfin, le désir d’avoir ce manteau.
C’est tout simple.
Qu’est-ce qui favorise cette continuité du désir ?
Est-ce que vous comprenez la question ?
Je sais comment naît le désir – c’est relativement simple.
Mais qu’est-ce qui lui permet de perdurer ?
De toute évidence, c’est cette continuité du désir qui le renforce, qui se mue en vouloir – n’est-ce pas ?
Je dois donc découvrir ce qui donne au désir cette continuité.
Si je parviens à le savoir, alors je saurai comment traiter le désir ; et jamais je ne le réprimerai.
Qu’est-ce donc qui lui donne cette continuité ?
Je vois quelque chose de beau, d’attrayant : un désir s’éveille en moi.
Et je dois découvrir ce qui lui insuffle sa vitalité, sa force persistante.
Je suis en présence d’une chose agréable, que je trouve désirable, et c’est en y pensant que je prolonge le désir.
Le sexe occupe nos pensées.
Vous y songez donc, et en y pensant vous donnez au désir une continuité.
Ou bien vous repensez aux douleurs, aux souffrances de la veille, et vous les perpétuez de même.
L’éveil du désir est donc naturel, inévitable : vous devez éprouver du désir, vous devez réagir, sinon vous n’êtes qu’une entité morte.
Mais l’important, c’est de voir, de découvrir par vous-même quand il convient de perpétuer le désir, et quand c’est à bannir.
Il vous faut donc alors comprendre la structure de la pensée, qui influence, contrôle et façonne le désir, et lui donne une permanence.
D’accord ?
Les choses sont claires : la pensée opère en fonction de la mémoire, etc. – nous n’allons pas entrer dans les détails pour l’instant.
Nous indiquons simplement comment le désir est renforcé par le fait d’y penser constamment et de lui donner une continuité – qui devient un vouloir.
Ce vouloir est notre moteur.
Et ce vouloir a pour base le plaisir et la douleur : si c’est agréable, j’en veux toujours plus ; si c’est douloureux, je résiste.
Résistance à la douleur et poursuite du plaisir donnent ainsi l’une comme l’autre une continuité au désir.
Et lorsque je comprends cela, il n’est plus question d’étouffer le désir, car tout désir refoulé entraîne inévitablement de nouveaux conflits – comme c’est le cas lorsqu’on cherche à nier une maladie.
On ne peut pas nier une maladie : il faut la laisser s’exprimer, en sonder les causes et mettre en oeuvre toutes sortes de choses.
Mais si vous la niez, elle gagnera en force et en puissance et vous mettra par la suite en danger.
De même, lorsque vous comprendrez totalement la nature du désir et de ce qui le perpétue, alors jamais, en aucune circonstance, vous ne chercherez à le réprimer.
Mais cela ne signifie pas qu’on doive se laisser aller au désir.
Car, dès lors qu’on s’y abandonne, il vous apporte sa part de douleur, sa part de plaisir, et l’on retombe dans le cercle vicieux.
Krishnamurti
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