VILLES et VILLAGES des PYRÉNÉES-ORIENTALES.
TROUILLAS.
Les citations Truliars en 844, Trullars en 1091 et d’autres dont Troliars, Trullariis avant la citation actuelle Trouillas depuis 1742 (Trullas en catalan) viennent certainement du latin « Torcularis » pour pressoir ou « torculum » pour treuil (trull en catalan) ce qui fait penser à une activité agricole liée éventuellement à la viticulture, voire et plutôt à l’oléiculture.
La découverte au Mas Deu à Trouillas de mosaïques de l’époque romaine confirme là présence des romains pendant les cinq premiers siècles de notre ère en ces lieux habités auparavant par les Ibères.
A la suite du décès en 844 d’Alaric comte d’Empúries, son fils Aureolo rachète à Rotruda sa mère, veuve d’Alaric et fille de Bera premier comte de Barcelone (801-820) la seigneurie de Trouillas, ses oliveraies et ses hameaux dont Ceceranum (Sant-Salvador de Cirà).
En 1139 l’évêché d’Elne fait l’acquisition de la seigneurie du fait d’Udalgar 1er, fils du vicomte Guillaume III de Castelnou et évêque d’Elne (1130-1148). Celle-ci appartient ensuite au chapitre de l’église d’Elne jusqu’à la Révolution.
Le concile de l’Église catholique qui se tient à Troyes en 1129 reconnaît en Europe une milice chrétienne qui participe aux croisades vers la Terre sainte, et simultanément à la reconquête du territoire occupé depuis 722 par les sarrasins en Hispanie (Espagne). De droit pontifical, religieux et militaire « l’Ordre du Temple » s’organise à partir de dons et privilèges fiscaux qui permettent la création de monastères appelés « commanderies ».
En 1138 les Templiers fondent à Trouillas la commanderie de « Mansio Dei » (la Maison de Dieu) dont le toponyme « Mansio », « Mansus » devenu « mas » dans le sud de la France, désigne une habitation rurale entourée de terres cultivables. À vocation agricole pour subvenir aux besoins alimentaires des templiers, c’est la commanderie la plus importante des diocèses d’Elne et de celui de Narbonne ainsi que du comté du Roussillon. L’Histoire de Touillas en est étroitement liée.
Les moines entreprennent à partir de 1180 l’assèchement des étangs insalubres pour en faire des terres cultivables et éradiquer le paludisme. Plusieurs zones marécageuses sont transformées à Trouillas dont ne subsistent plus que les noms évoquant l’eau stagnante « Estany Dalt », « Estany Baix » et « Estanyol ». La commanderie se développe sur un territoire allant des Fenouillèdes jusqu’au-delà des Pyrénées en Catalogne du sud et devient en un siècle la plus grande exploitation viticole d’Europe.
Les moines tirent des revenus entre autres des droits de poids et mesures de Perpignan, des fours à pain de Palau, Orle, Saint-Hyppolite, Sainte-Colombe, Collioure, Saint-Arnac, Villemolaque, Nyls et Terrats, d’un cheptel considérable sur les pacages du Vallespir et du Conflent, d’une activité artisanale de tannerie, de tuilerie et de l’immobilier particulièrement à Perpignan.
Sant-Salvador de Cirà qui est devenu le siège d’un petit monastère fondé en 1139 avant d’être rattaché à l’abbaye San Salvador de Breda (Gérone) est cédé en 1273 aux templiers du Mas Deu.
Philippe III de France (1270-1285) dit le Hardi mène en 1285 une incursion contre Pierre dit le Grand roi d’Aragon sous le nom de Pierre III et comte de Barcelone sous le nom de Pierre II avec le soutien de Jacques II de Majorque qui lui accorde le droit de passage par le Roussillon pour se rendre en Catalogne. L’armée française dont le camp est établi au Mas Deu est décimée par le typhus. Philippe le Hardi meurt à Perpignan en 1285.
La perte de la Terre sainte en 1291 est à l’origine de la dissolution de l’Ordre du Temple en 1312 lors du concile de Vienne convoqué par le pape Clément V (1305-1314) à l’initiative de Philippe IV de France (1285-1314) dit Le Bel. Ce dernier souhaite vainement s’approprier les biens des templiers qui par bulle papale sont transférés à perpétuité à l’Ordre des Hospitalier de Saint-Jean de Jérusalem.
La viticulture devient rapidement l’activité économique essentielle de Trouillas.
Pendant le royaume de Majorque (1276-1344) Jacques II accorde en 1299 aux vignerons du Roussillon la rétrocession de la taxe sur les vins, confirmée en 1374 par Pierre IV d’Aragon.
Durant la seconde moitié du XIIIe siècle et le début du XIVème Arnau de Vilanova est professeur de médecine, médecin des souverains et des papes et théologien. Il enseigne à Montpellier la médecine savante gréco-romaine de l’Antiquité et créée au Mas Deu l’ancêtre du vin doux naturel par le mariage du moût de vin et de l’eau de vie.
Pendant la guerre déclarée par la Convention le 7 mars 1793 au roi d’Espagne les troupes espagnoles du général Ricardos franchissent le 17 avril la frontière à Saint-Laurent-de-Cerdan et avancent vers Perpignan à partir du Boulou occupé. Le Mas Deu est le théâtre le 17 septembre d’une défaite des troupes françaises du général Dagobert obligées de se replier vers Perpignan. En septembre 1794 les généraux français Augereau et Dugommier refoulent définitivement les espagnols au-delà de la frontière.
En 1795 le Mas Deu est acquis par François Durand, député royaliste constitutionnel des Pyrénées-Orientales (1816-1831), frère de Jacques Durand-Fajon, baron et député de l’Hérault (1815-1831) et père du banquier Justin Durand, président du Conseil général des Pyrénées-Orientales (1842-1845 et 1853-1862) et député (1852-1863 et 1869-1870). C’est un important domaine viticole produisant un vin exporté dans plusieurs pays du monde. Le vicomte de Saporta en devient propriétaire à la suite du décès au Mas Deu de Justin Durand en 1889, puis le marquis de Villahermosa et son épouse Félicie de la famille noble de la Maison de Talleyrand Périgord. À l’après Première Guerre mondiale le domaine est vendu morcelé en plusieurs propriétaires qui se regroupent et fondent en 1927 la cave coopérative de Trouillas. Albert Astor et Rose Oliver font l’acquisition des bâtiments en 1935. La famille Oliver qui exploite 21 hectares en agriculture biologique depuis 2010 y est en place depuis le début du XXe siècle.
Lors du départ des soldats allemands le 17 août 1944 le château médiéval des Templiers est détruit par l’explosion volontaire des munitions stockées.
La population présente globalement une courbe ascendante en permanence de 1793 (275 habitants) à 2021 (2 257 habitants) avec pour caractéristique de doubler le nombre d’habitants en 70 ans entre 1836 (640 habitants) et 1906 (1 240 habitants).
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