Un homme prisonnier d'un petit espace dans un petit appartement, qui vit dans cet espace, de jour en jour pendant trente années, a soif d'espace, d'espace physique. Il va à la campagne, il prend des vacances
lointaines où il trouve de grands espaces vides, où il peut voir un ciel sans limites, le vaste océan, de profondes forêts, des ombres, le mouvement du vent, des oiseaux, du fleuve. Physiquement il a besoin d'espace.
Vivant dans une ville, dans une cité, marchant constamment sur des trottoirs et voyant la fenêtre et les cheminées d'en face, il a besoin d'espace physique, mais jamais il n'a soif d'espace psychologique. Là, il se contente d'être un prisonnier. Il est pris au piège.
Il est dans la prison de ses propres idées ; de ses conclusions, de ses croyances, de ses dogmes. Il est dans la prison de sa propre activité autocentrique, avec ses alternatives de réussites et de frustrations ; il est le prisonnier de son propre talent. Psychologiquement, intérieurement, dans sa peau, il vit dans une prison où n'existe aucun espace du tout. Privé d'espace, prisonnier, il se met à penser à la liberté. Il est un captif vivant entre quatre murs, assoiffé de liberté ; comme un aveugle cherchant désespérément à voir la couleur. N'ayant aucun espace psychologique, aucune liberté psychologique, il n'a aucun espace du tout, il est toujours prisonnier.
(...)
Cette question vaut vraiment et profondément la peine d'être examinée, parce que la liberté ne peut exister que là où il y a espace, mais un espace qui n'est pas créé par un objet.
Si l'espace est créé par le « moi » , le penseur, celui-ci élève encore des murs autour de soi à l'intérieur desquels il se figure être libre. Il pourra faire tout ce qu'il voudra dans cet espace créé par le centre, il sera sans aucune liberté. Il est comme un homme condamné à vivre en prison. Il peut dans sa prison modifier le décor, rendre celle-ci un peu plus confortable, peindre les murs, faire toutes sortes de choses pour orner sa vie, mais entre les quatre murs il n'est jamais libre.
Psychologiquement, nous avons dressé des murailles autour de nous, des murailles de résistance, d'efforts, de crimes, d'avidité, d'envie, d'ambition, de désirs d'une haute situation, de puissance, de prestige. Toutes ces choses sont la création du penseur. Celui-ci a créé l'espace qui l'entoure, et par conséquent il n'est jamais libre.
La beauté n'est pas seulement celle que vous voyez ; elle n'en est qu'une très petite partie. La beauté n'est pas le résultat de la pensée, elle n'a pas été élaborée par la pensée. Comme l'amour, l'affection n'a pas de place là où il y a la pensée. Il y a cette jalousie, cette envie, cette avidité, cette ambition, cet orgueil, et l'amour n'est pas ; tout cela, nous le savons.
Mais pour découvrir ce que cela veut dire que d'aimer, il faut certes qu'existe un affranchissement de toute lutte, de toute jalousie, de toute envie. Alors nous connaîtrons.
Krishnamurti
Paris, 1966
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