Barque catalane
Vous savez que vous êtes, que vous existez. Reliez-vous au fait d’être, d’exister. Que ressentez-vous alors ? N’est-ce pas très proche de ce que vous ressentez lorsque vous êtes présent au silence ou à l’espace ? Lorsque vous êtes vraiment détendu ou en contact avec la nature ?
Mais peut-être est-ce difficile pour vous d’en être conscient ? Alors, l’espace d’un instant, tentez de cesser d’exister, tentez de cesser d’être... Impossible n’est-ce pas ?
Bien sûr, il peut nous arriver de perdre de vue cette conscience d’être. Mais nous ne sommes pas inconscients pour autant. Et le simple fait d’être conscient souligne qu’il y a conscience, que nous l’oublions ou non. Et la preuve est là : lorsque nous essayons de cesser d’être, nous remarquerons immédiatement que cette conscience d’être ne peut nous quitter.
Si vous restez en lien avec le fait d’être, de quoi est-il fait ? Quelles sont ses caractéristiques ?
Par exemple, se modifie-t-il avec le temps ? Est-il différent maintenant de tout à l’heure ? Hier ou bien il y a dix ans, d’aujourd’hui ? Est-il différent lorsque vous êtes heureux ou soucieux ?
Prenez le temps de le constater par vous-même : la conscience d’être est toujours semblable.
De plus, si vous restez un instant avec elle, vous remarquez que ni la question de votre âge ni celle de votre sexe ne se posent. Vous remarquez aussi que, pour un instant, vos soucis disparaissent.
Difficile de croire que nos soucis s’envolent pendant un instant ? Voilà un point de première importance sur lequel nous reviendrons en détail plus loin. Mais d’ores et déjà, nous savons très bien que nos soucis s’effacent à d’autres moments, quelle que soit leur importance : lorsque nous dormons. Ils s’éclipsent aussi lorsque nous rions. Autrement dit, nous avons le plus souvent l’impression qu’ils sont constants jusqu’à leur résolution. Mais en fait, il n’en est rien.
Je vous propose de vous y arrêter une minute ou deux et de vous laisser intégrer cette donnée : un souci apparaît et disparaît au fil des heures.
Déconstruire des croyances, des idées, des points de vue et percevoir ce qui a toujours été présent et central. Voilà ce que « la perspective non duelle » propose dans un premier temps. Il ne s’agit aucunement d’adhérer à une nouvelle croyance ou à une théorie. Seulement de constater, de prendre pleinement conscience de ce qui a toujours été. Et c’est pourquoi cette approche n’est pas non plus une philosophie.
Comment cela nous permettra-t-il de voir disparaître toute souffrance ? Nous l’aborderons petit à petit. Mais retenons-le : sans ce « regard » ou cette « écoute », ou ce retour à « l’évidence de ce qui est SU » que nous venons d’expérimenter, nous ratons quelque chose d’essentiel.
Extrait du livre de Gérard: Regarder ce qui est ...et sourire. Ed. L'Originel
Nous ne disons pas, à l’instar de tous ces livres sacrés, de tous ces gourous, qu’on doit être sans désir, ou qu’on doit réprimer le désir.
Au contraire, nous allons explorer ensemble cette question du désir.
Si vous étouffez le désir, alors vous vous détruisez, vous vous paralysez, vous devenez insensible, terne, stupide – c’est ce qu’ont fait tous les adeptes des religions.
Toute beauté, toute sensibilité leur est interdite, car ils ont refoulé le désir.
Alors que si vous commencez à comprendre toute la subtilité du désir, la nature du désir, jamais vous ne le brimerez, jamais vous ne refoulerez rien – mais je reviendrai plus tard sur ce point.
Qu’est-ce au juste que le désir ?
Le désir naît à la vue d’une belle femme, d’une belle voiture, d’un homme élégamment vêtu, ou d’une belle maison.
Il y a la perception, la sensation qui passe par le contact, puis le désir.
Je vous vois vêtu d’un beau manteau : il y a la perception, l’acte de voir ; puis l’attirance – pour la coupe de ce manteau – et la sensation ; et, enfin, le désir d’avoir ce manteau.
C’est tout simple.
Qu’est-ce qui favorise cette continuité du désir ?
Est-ce que vous comprenez la question ?
Je sais comment naît le désir – c’est relativement simple.
Mais qu’est-ce qui lui permet de perdurer ?
De toute évidence, c’est cette continuité du désir qui le renforce, qui se mue en vouloir – n’est-ce pas ?
Je dois donc découvrir ce qui donne au désir cette continuité.
Si je parviens à le savoir, alors je saurai comment traiter le désir ; et jamais je ne le réprimerai.
Qu’est-ce donc qui lui donne cette continuité ?
Je vois quelque chose de beau, d’attrayant : un désir s’éveille en moi.
Et je dois découvrir ce qui lui insuffle sa vitalité, sa force persistante.
Je suis en présence d’une chose agréable, que je trouve désirable, et c’est en y pensant que je prolonge le désir.
Le sexe occupe nos pensées.
Vous y songez donc, et en y pensant vous donnez au désir une continuité.
Ou bien vous repensez aux douleurs, aux souffrances de la veille, et vous les perpétuez de même.
L’éveil du désir est donc naturel, inévitable : vous devez éprouver du désir, vous devez réagir, sinon vous n’êtes qu’une entité morte.
Mais l’important, c’est de voir, de découvrir par vous-même quand il convient de perpétuer le désir, et quand c’est à bannir.
Il vous faut donc alors comprendre la structure de la pensée, qui influence, contrôle et façonne le désir, et lui donne une permanence.
D’accord ?
Les choses sont claires : la pensée opère en fonction de la mémoire, etc. – nous n’allons pas entrer dans les détails pour l’instant.
Nous indiquons simplement comment le désir est renforcé par le fait d’y penser constamment et de lui donner une continuité – qui devient un vouloir.
Ce vouloir est notre moteur.
Et ce vouloir a pour base le plaisir et la douleur : si c’est agréable, j’en veux toujours plus ; si c’est douloureux, je résiste.
Résistance à la douleur et poursuite du plaisir donnent ainsi l’une comme l’autre une continuité au désir.
Et lorsque je comprends cela, il n’est plus question d’étouffer le désir, car tout désir refoulé entraîne inévitablement de nouveaux conflits – comme c’est le cas lorsqu’on cherche à nier une maladie.
On ne peut pas nier une maladie : il faut la laisser s’exprimer, en sonder les causes et mettre en oeuvre toutes sortes de choses.
Mais si vous la niez, elle gagnera en force et en puissance et vous mettra par la suite en danger.
De même, lorsque vous comprendrez totalement la nature du désir et de ce qui le perpétue, alors jamais, en aucune circonstance, vous ne chercherez à le réprimer.
Mais cela ne signifie pas qu’on doive se laisser aller au désir.
Car, dès lors qu’on s’y abandonne, il vous apporte sa part de douleur, sa part de plaisir, et l’on retombe dans le cercle vicieux.
Krishnamurti
« Mais comment se libérer du conditionnement ?
Ce n’est possible que par la compréhension, c’est-à-dire en prenant conscience de nos fuites.
Notre attachement à une personne, à un travail, à une idéologie représente le facteur du conditionnement.
C’est cela que nous devons comprendre, au lieu de chercher une forme de fuite plus adaptée ou plus intelligente.
Aucune forme de fuite n’est intelligente, car toutes suscitent inévitablement le conflit.
Cultiver le détachement est encore une forme de fuite, d’isolement.
C’est un attachement à une abstraction, à un idéal que l’on nomme détachement.
Cet idéal est fictif, c’est un produit de l’ego et tendre vers cet idéal est une façon de fuir ce qui est.
La compréhension de ce qui est, l’action adéquate par rapport à ce qui est, ne sont possibles que lorsque l’esprit ne cherche plus de moyens de fuites.
Et le fait même de penser à ce qui est est une façon de fuir ce qui est.
Penser au problème est une façon de fuir le problème, car la pensée est le problème et le seul problème.
L’esprit, peu désireux d’être ce qu’il est, craignant d’être ce qu’il est, recherche ces différentes formes de fuite, dont la meilleure d’entre elles est la pensée.
Aussi longtemps qu’existe la pensée existeront les fuites, les attachements, qui ne peuvent que renforcer le conditionnement.
Il faut se libérer de la pensée pour se libérer du conditionnement.
Ce n’est que lorsque l’esprit est totalement immobile, totalement silencieux, que le réel a la possibilité d’être. »
Krishnamurti
Commentaire sur la vie – Le conditionnement.
Quelle différence entre la lucidité et l'introspection?
Et qui est lucide, lorsqu'il y a lucidité?
Examinons d'abord ce que nous entendons par introspection.
Nous appelons introspection le fait de regarder en soi-même, de s'examiner soi-même.
Or, pourquoi s'examine-t-on ?
En vue de s'améliorer, en vue de changer, en vue de modifier.
Vous vous livrez à l'introspection en vue de devenir quelque chose, sans quoi vous ne vous complairiez pas en l'introspection.
Vous ne vous examineriez pas s'il n'y avait pas le désir de modifier, de changer, de devenir autre chose que ce que vous êtes.
C'est la raison évidente de l'introspection.
Je suis en colère et je me livre à l'introspection, je m'examine afin de me débarrasser de la colère, ou de modifier, de changer la colère.
Or, lorsqu'il y a introspection (qui est le désir de modifier ou de changer les réponses, les réactions du moi), il y a toujours un but en vue ; et lorsque ce but n'est pas atteint, il y a de la mauvaise humeur, une dépression.
Ainsi l'introspection va invariablement de pair avec la dépression.
Je ne sais pas si vous avez remarqué que lorsque vous vous livrez à l'introspection, lorsque vous regardez en vous-mêmes en vue de vous changer, il y a toujours une vague de dépression.
Il y a toujours une vague de mauvaise humeur contre laquelle il vous faut batailler ; vous êtes obligé de vous examiner de nouveau afin de dominer cette humeur, et ainsi de suite.
L'introspection est un processus qui consiste à transformer ce qui est en quelque chose qui n'est pas.
Il est clair que c'est exactement ce qui se produit lorsque nous faisons de l'introspection, lorsque nous nous complaisons en cette action particulière.
En cette action il y a toujours un processus d'accumulation, le « je » examinant quelque chose dans le but de le changer.
Il y a donc toujours une dualité en état de conflit, et par conséquent un processus de frustration.
Il n'y a jamais d'affranchissement ; et comme on sent cette frustration, il en résulte une dépression.
Mais la lucidité est entièrement différente.
La lucidité est l'observation sans condamnation.
La lucidité engendre la compréhension, car elle ne comporte ni condamnation ni identification, mais une observation silencieuse.
Si je veux comprendre quelque chose, je dois évidemment l'observer, je ne dois pas critiquer, je ne dois pas condamner, je ne dois pas le poursuivre comme étant un plaisir ou l'éviter comme étant un déplaisir.
Il faut qu'il y ait simplement la silencieuse observation d'un fait.
Il n'y a pas de but en vue, mais une perception de tout ce qui survient.
Cette observation, et la compréhension de cette observation cessent lorsqu'il y a condamnation, identification ou justification.
L'introspection est une amélioration de soi, et par conséquent l'introspection est égocentrique.
La lucidité n'est pas une amélioration de soi.
Au contraire, c'est la fin du moi, du « je » avec toutes ses idiosyncrasies, ses particularités, ses souvenirs, ses exigences, ses poursuites.
Dans l'introspection, il y a identification et condamnation.
Dans la lucidité, il n'y a ni condamnation ni identification ; par conséquent, il n'y a pas d'amélioration du soi : il y a une immense différence entre les deux.
L'homme qui veut s'améliorer ne peut jamais être lucide, parce que l'amélioration implique une condamnation et l'obtention d'un résultat, tandis qu'en la lucidité il y a observation sans condamnation, sans déni ni acceptation.
Cette lucidité commence avec les choses extérieures, elle consiste à être conscient, à être en contact avec les objets, avec la nature.
Tout d'abord, on perçoit avec lucidité les choses qui vous entourent, on est sensible aux objets, à la nature, ensuite aux personnes, ce qui veut dire être en relation, et ensuite il y a la perception lucide des idées.
Cette lucidité – qui consiste à être sensible aux choses, à la nature, aux personnes, aux idées – n'est pas composée de processus différents, mais est un seul processus unifié.
C'est une constante observation de tout, de chaque pensée, sentiment et acte à mesure qu'ils surgissent en nous-mêmes.
Et comme la lucidité n'est pas condamnatoire, il n'y a pas d'accumulation.
Vous ne condamnez que lorsque vous avez un critérium, ce qui veut dire accumulation, et par conséquent amélioration du moi.
Être lucide c'est comprendre les activités du moi, du « je », dans ses rapports avec les gens, avec les idées, avec les choses.
Cette lucidité est d'instant en instant et, par conséquent, n'est pas obtenue par des exercices.
Lorsque vous vous exercez à une chose, elle devient une habitude; et la lucidité n'est pas une habitude.
Un esprit routinier n'est plus sensitif, un esprit qui fonctionne dans l'ornière d'une action particulière est obtus, n'a pas de souplesse ; tandis que la lucidité exige une continuelle souplesse, une grande vivacité.
Cela n'est pas difficile : c'est ce que vous faites tous lorsque quelque chose vous intéresse, lorsque cela vous intéresse d'observer votre enfant, votre femme, vos plantes, vos arbres, vos oiseaux.
Vous observez sans condamnation, sans identification ; par conséquent, dans cette observation il y a une complète communion, l'observateur et l'observé sont complètement en communion.
C'est cela qui, en fait, a lieu lorsque vous êtes profondément intéressé par quelque chose.
Ainsi, il y a une très grande différence entre la lucidité et l'amélioration auto-expansive du soi qu'est l'introspection.
L'introspection mène à la frustration, à de nouveaux et plus vastes conflits, tandis que la lucidité est un processus qui nous affranchit de l'action du moi ; elle consiste à être conscient de vos mouvements quotidiens, de vos actions, et à être conscient des autres personnes, de les observer.
Vous ne pouvez faire cela que lorsque vous aimez. lorsque vous êtes profondément intéressé par quelque chose ; et lorsque je veux me connaître, connaître mon être entier, le contenu total de moi-même et pas seulement une couche ou deux de ma conscience, alors de toute évidence, il ne doit pas y avoir de condamnation.
Alors je dois être ouvert à chaque pensée, à chaque sentiment, à chaque humeur, à chaque refoulement ; et, au fur et à mesure qu'il y a de plus en plus de lucidité expansive, il y a une libération de plus en plus grande des mouvements cachés des pensées, des mobiles, des poursuites.
Ainsi, la lucidité est liberté ; elle octroie la liberté ; elle concède la liberté.
Tandis que l'introspection cultive les conflits, le processus d'isolement du soi ; par conséquent, il y a toujours en elle une frustration et de la peur.
Vous voulez savoir « qui » est lucide.
Lorsque vous avez une profonde expérience, de n'importe qu'elle sorte, que se produit-il?
Lorsqu'il y a une telle expérience, êtes vous conscient du fait que vous êtes en train de passer par une expérience?
Lorsque vous êtes en colère, dans le fragment de seconde où éclate la colère – ou la jalousie, ou la joie – êtes vous conscient du fait que vous êtes joyeux ou que vous êtes jaloux?
Ce n'est que lorsque l'expérience est passée qu'il y a l'expérimentateur et la chose expérimentée.
Alors l'expérimentateur observe l'objet de l'expérience.
Mais au moment de l'expérience, il n'y a ni observateur ni la chose observée : il n'y a que l'acte vivant de l'expérience.
Or, la plupart d'entre nous n'expérimentent pas.
Nous sommes toujours en dehors de l'état d'expérience vécue, et par conséquent nous posons cette question pour savoir « qui » est l'observateur, « qui » est lucide.
Mais cette question n'est-elle pas évidemment une fausse question?
Au moment où il y a expérience vivante, il n'y a ni la personne qui est lucide, ni l'objet de sa lucidité.
Il n'y a ni l'observateur, ni l'observé, mais seulement un état d'expérience vécue.
La plupart d'entre nous trouvent qu'il est extrêmement difficile de vivre dans un état d'expérience, parce que cela exige une extraordinaire souplesse, une promptitude, un haut degré de sensibilité ; et cela vous est refusé lorsque vous êtes à la poursuite d'un résultat, lorsque vous voulez réussir, lorsque vous avez un but en vue, lorsque vous êtes en train de calculer ; car tout cela engendre de la frustration.
Mais un homme qui ne demande rien, qui ne poursuit pas un but, qui n'est pas en quête d'un résultat (avec toutes ses implications), un tel homme est dans un état de continuelle expérience vivante.
Alors, tout a un mouvement, une signification, et rien n'est vieux ; rien n'est tracé, rien n'est répétition, parce « ce qui est » n'est jamais vieux.
La provocation est toujours neuve.
Ce n'est que la réponse à la provocation qui est vieille ; et le vieux crée un surcroît de résidu, qui est mémoire, et qui est l'observateur, lequel se sépare de ce qui est observé, de la provocation, de l'expérience.
Vous pouvez faire cette expérience vous même très simplement et très facilement.
La prochaine fois que vous serez en colère ou jaloux ou avide ou violent (ou autre chose), observez-vous.
En cet état, « vous » n'êtes pas.
Il n'y a qu'un état d'être.
Mais le moment, l'instant qui suit, vous lui donnez un nom, vous lui appliquez une dénomination, vous l'appelez jalousie, colère, avidité.
Et alors, vous avez immédiatement créé l'observateur et l'observé, l'expérimentateur et la chose éprouvée.
Lorsqu'il y a l'entité qui a éprouvé et la chose qui a été éprouvée, l'entité cherche à modifier l'expérience, à la changer, à se souvenir des choses qui s'y rapportent, et ainsi de suite.
Elle maintient ainsi une division entre elle et ce qui a été éprouvé.
Mais si vous ne nommez pas ce sentiment – ce qui veut dire que vous ne cherchez pas un résultat, que vous ne condamnez pas, que vous êtes simplement et silencieusement en état de perception de ce sentiment – alors vous verrez que dans cet état sensible d'expérience, il n'y a ni observateur ni objet d'observation ; car l'observateur et la chose observée sont un seul phénomène unifié, et il n'y a que de l'expérience vécue.
Donc l'introspection et la lucidité sont entièrement différentes.
L'introspection mène à la frustration, à des conflits, car en elle est impliqué un désir de changement, et un changement n'est qu'une continuité modifiée, tandis que la lucidité est un état dans lequel il n'y a ni condamnation ni justification ni identification, donc il y a compréhension ; et en cet état de lucidité passive et vivace il n'y a ni l'expérimentateur ni l'objet de l'expérience.
Monsieur (dame), ce que je dis n'est pas très difficile, bien que cela pourrait vous sembler verbalement difficile.
Mais vous remarquerez vous-même, lorsque vous êtes très gravement et très profondément intéressé par quelque chose, que c'est cela qui se produit en fait.
Vous êtes si complètement immergé dans la chose qui vous intéresse qu'il n'y a pas d'exclusion, pas de concentration.
L'introspection, qui est une forme d'amélioration de soi-même, d'expansion de soi-même, ne peut jamais mener à la vérité, parce que c'est toujours un processus d'isolement, tandis que la lucidité « est » un état dans lequel la vérité entre en existence, la vérité de « ce qui est », la simple vérité de l'existence quotidienne.
Ce n'est que lorsque nous comprenons la vérité de l'existence-quotidienne que nous pouvons aller plus loin.
Vous devez commencer près pour aller loin ; mais la plupart d'entre nous veulent sauter, commencer au loin sans comprendre ce qui est tout près.
Au fur et à mesure que nous comprendrons ce qui est près, nous nous apercevrons que la distance entre ce qui est près et ce qui est loin n'est pas.
Il n'y a pas de distance – le commencement et la fin sont un.
Krishnamurti.
De la Connaissance de soi.
Ed. Courrier du Livre.
La vérité est un pays sans chemin
Qu’est-ce que la liberté ?
Krishnamurti :
De nombreux philosophes ont écrit sur la liberté.
Nous parlons de la liberté – celle de faire ce qui nous plaît –, d’avoir le travail qui nous plaît, la liberté de choisir un homme ou une femme, la liberté de lire n’importe quel livre ou bien celle de ne pas lire du tout.
Nous sommes libres, et que faisons-nous de cette liberté ?
Nous nous en servons pour nous exprimer, pour faire tout ce qui nous plaît.
La vie devient de plus en plus laxiste : vous pouvez avoir des rapports sexuels dans un parc ou un jardin publics.
Nous jouissons de toutes sortes de libertés, et qu’en avons-nous fait ?
On pense que là où il y a choix, il y a liberté.
Je peux me rendre en Italie ou en France, c’est un choix.
Mais celui-ci donne-t-il la liberté ?
Pourquoi devons-nous choisir ?
Si vous êtes très lucide, que votre perception est pure, il n’y a pas de choix.
C’est de là que dérive l’action juste.
Ce n’est que dans le doute et l’incertitude que nous commençons à choisir.
Donc, si vous me permettez de le dire, le choix empêche la liberté.
Les états totalitaires n’accordent aucune liberté parce qu’à leur idée, la liberté amène la dégénérescence de l’homme.
En conséquence, ils contrôlent, répriment, vous savez ce qui se passe.
Donc, qu’est-ce que la liberté ?
Se fonde-t-elle sur le choix ?
Est-ce de faire exactement ce qui nous plaît ?
Certains psychologues disent : si vous ressentez quelque chose, ne le réprimez pas, ne l’entravez pas, ne le maîtrisez pas, mais exprimez-le immédiatement.
Nous faisons cela très bien, trop bien.
Cela s’appelle aussi la liberté.
Est-ce que lancer une bombe est une forme de liberté ?
Voyez à quoi nous l’avons réduite !
La liberté se trouve-t-elle là-bas, ou ici ?
Où commencez-vous à la chercher ?
Dans le monde extérieur, où vous exprimez tout ce qui vous plaît – la prétendue liberté individuelle ?
Ou bien la liberté débute-t-elle intérieurement pour s’exprimer par la suite intelligemment au-dehors ?
Comprenez-vous ma question ?
La liberté n’existe que s’il n’y a pas de confusion en moi, si du point de vue psychologique et religieux je ne peux être pris à aucun piège – vous comprenez ?
Et si je suis dans un état de confusion et de désordre, ne dois-je pas commencer par me libérer de ce désordre avant de parler de liberté ?
Si je n’ai pas de relation avec ma femme, mon mari ou quelqu’un d’autre – parce que nos rapports se fondent sur des images – il y a conflit, ce qui est inévitable là où il y a division.
Donc, ne dois-je pas commencer ici, à l’intérieur de moi-même, dans mon esprit, dans mon cœur, afin de m’affranchir totalement de toute crainte, angoisse, désespoir, ainsi que des souffrances et blessures dues à quelque désordre psychique ?
Observez tout cela vous-même et libérez-vous en !
Il semble, toutefois, que nous n’en ayons pas l’énergie.
Nous allons la chercher chez autrui.
Nous nous sentons soulagés en parlant à un psychiatre, en nous confessant, et tout ce qui s’ensuit.
Toujours être tributaire de quelqu’un !
Inévitablement, cette dépendance amène le conflit et le désordre.
On doit donc commencer à comprendre la profondeur et la grandeur de la liberté, on doit commencer par ce qui est le plus près de nous, nous-mêmes.
La grandeur de la liberté, de la véritable liberté, sa dignité, sa beauté, résident en soi dès que règne un ordre absolu.
Et cet ordre ne s’établit que si nous devenons notre propre lumière.
Krishnamurti
Questions et réponses
50 : La liberté, p. 177.
La méditation sans méthode précise, sans cause et sans raison, sans but ni finalité, est un incroyable phénomène. Non seulement immense explosion purificatrice, elle est aussi mort sans lendemain.
Sa pureté dévaste, ne laissant aucun sombre recoin caché où la pensée pourrait se tapir dans ses propres ombres.
Sa pureté est vulnérable ; elle n'est point vertu engendrée dans la résistance.
Elle est pure parce que dépourvue de résistance, comme l'amour.
Il n'est point de lendemain dans la méditation, point de débat avec la mort.
La mort d'hier, celle de demain, n'est jamais absente de la mesquinerie du présent et le temps est toujours mesquin, sauf quand intervient la destruction, le neuf. C'est cela la méditation et non les sottes supputations du cerveau à la recherche de sécurité.
La méditation est destruction de la sécurité ; elle est empreinte d'une grande beauté qui n'est pas celle des choses élaborées par l'homme ou la nature, elle est beauté du silence.
Ce silence est le vide d'où coule et d'où provient l'existence de toute chose. Il est inconnaissable ; l'intellect ni le sentiment ne peuvent se frayer un chemin jusqu'à lui. Il n'y a pas de voie d'accès et toute méthode pour y conduire est invention d'un cerveau avide.
Il faut entièrement détruire toutes les voies et les moyens du soi calculateur ; toute avance, tout recul sur la voie du temps doivent cesser, sans lendemain.
La méditation est destruction ; elle est un danger pour ceux qui veulent mener une vie superficielle faite de mythe et de chimère.
Krishnamurti
Carnets - 31 août 1961
Méditer c’est se vider du connu.
Le connu est le passé.
Il ne s’agit pas de l’éliminer après l’avoir accumulé mais plutôt de ne pas l’accumuler du tout.
Ce qui fut ne peut être éliminé que dans le présent, et cela non par la pensée, mais par l’action de ce qui est.
Le passé est un mouvement de conclusion en conclusion, auquel s’ajoute le jugement de ce qui est, prononcé par la dernière conclusion.
Tout jugement est un règlement, et c’est cette évaluation qui empêche les esprits de se débarrasser du connu ; car le connu est toujours une appréciation, une définition.
Le connu est l’action de la volonté, et la volonté en acte est le prolongement du connu, de sorte que l’action de la volonté ne peut jamais vider l’esprit.
On ne peut pas acheter un esprit vide dans les sanctuaires des aspirations ; un tel esprit prend naissance lorsque la pensée devient consciente de ses actes, non lorsque le penseur devient conscient de la façon dont il pense.
La méditation est l’innocence du présent ; elle est donc toujours seule.
L’esprit complètement seul, intouchable pour la pensée, cesse d’accumuler.
Ainsi l’acte qui vide l’esprit est toujours dans le présent.
Pour un esprit solitaire, le futur – qui appartient au passé – disparaît.
La méditation est un mouvement, non une conclusion, non une fin à poursuivre.
Krishnamurti
Cet homme n'est pas un mendiant ou un vagabond sans abri Il s'agit de Léon Tolstoï, romancier et philosophe russe, surtout connu p...