ce texte du philosophe Frédéric Lenoir.
En chinois, le mot "crise" est représenté par deux idéogrammes : l'un signifie "danger" et l'autre "opportunité". Toute crise, qu'elle soit personnelle ou collective, nous déstabilise, nous fait sortir de notre zone de confort ou nous éprouve fortement. Mais elle peut aussi nous offrir la possibilité de changer notre regard, de modifier notre mode de vie, de découvrir un nouveau chemin, et même parfois de grandir en humanité. C'est aussi ce que nous montrent les personnes résilientes : après une épreuve, aller chercher dans nos ressources intérieures la force de rebondir et de se reconstruire peut nous faire croître et vivre plus pleinement. C'est une des leçons que je tire de la crise actuelle, et notamment de cette expérience inédite du confinement : elle peut nous rappeler que la vie est précieuse et qu'il faut la vivre intensément, en savourant chaque instant, plutôt qu'en se dispersant ou en agissant l'esprit toujours préoccupé par autre chose. Comme nous le rappelle Montaigne dans ses Essais : "Quand je danse, je danse, quand je dors, je dors !" C'est aussi ce que nous disent les sages de l'Antiquité - Carpe diem, "cueille le jour" - tout comme les études menées par les neurosciences : les substances chimiques dont nous avons besoin pour notre équilibre émotionnel et notre bien être - la dopamine, la sérotonine, l'ocytocine - ne se déclenchent que si nous sommes pleinement attentifs à ce que nous faisons. Préoccupés par mille soucis, nous avons tendance à survivre plutôt qu'à vivre, à courir plutôt qu'à contempler, à consommer plutôt qu'à jouir de la vie. Ce virus aura peut-être eu le mérite de nous ramener à l'essentiel, mais aussi de nous rappeler le caractère foncièrement incertain de l'existence. C'est pourtant en apprenant à accompagner, par la souplesse de notre esprit, le mouvement toujours imprévisible de la vie que surgiront parfois, presque à l'improviste, nos plus belles joies.....
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